Paru dans Le Trait d’Union 2005 - N° 10

IV - Jean, François Godreau Plus de curé, plus de registre...

L’Assemblée Législative crée les communes le 14-12-1789, les 89 départements français le 15-01-1790. Notre région qui faisait partie du POITOU jusque-là, fera partie du département de la VENDEE (ce nom ayant été emprunté à la petite rivière qui passe à FONTENAY-le-COMTE.

La Sèvre Nantaise délimite ce département sur une grande longueur. La POMMERAIE-sur-SEVRE, au sud de la Sèvre, se trouva donc de justesse dans le camp de la VENDEE.

La Révolution a donc fait obligation aux prêtres de préter serment à la République. Bon nombre de prêtres refusèrent de laisser passer la religion sous la coupe des nouveaux maîtres. Ainsi, pour la région de POUZAUGES, la situation fut des plus confuses, même parfois au sein de la même paroisse. Jugez plutôt :

Prétèrent serment à la République Refusérent
Les curés de

  • La FLOCELLIERE
  • ST MICHEL MONT MERCURE
  • REAUMUR
  • TREIZE VENTS
  • VIEUX POUZAUGES
  • POUZAUGES-ville
Les curés prieurs de
  • LA POMMERAIE-s-SEVRE
  • CHATEAUMUR
    Les curés de
  • MALLIEVRE
  • LES EPESSES
  • Le vicaire de

    • la POMMERAIE
    Les vicaires de
  • TREIZE-VENTS
  • LES EPESSES
  • LE VIEUX POUZAUGES
  • LA FLOCELLIERE
  • Le curé-prieur de la POMMERAIE est le Père COULON. Rapidement il sera menacé comme beaucoup d’autres. D’abord il se cachera, sans doute dans les fermes. Puis il s’enfuit en ESPAGNE, comme bon nombre de prêtres de cette région, afin de sauver sa tête.

    Pendant ce temps, un maire a été élu à la POMMERAIE.
    En 1795, le maire s’appelle François TAFFOIREAU. Il est en même temps officier public, c’est-à-dire qu’il doit enregistrer les naissances, les mariages, les décès, rôle qui incombait aux curés, comme nous l’avons vu, depuis plusieurs siècles.

    Pour ce travail la République lui a envoyé un beau cahier tout neuf. Mais le Sieur TAFFOIREAU n’a pas de chance, car les citoyens et les citoyennes de la POMMERAIE boudent son beau cahier !
    Ils veulent se faire inscrire comme autrefois au presbytère. En 1790, 1791, 1792 (l’an 1), l’an 1793, 1794, aucun enregistrement sur le registre municipal .

    En 1795, trois naissances (dont celle d’un enfant Taffoireau.. il faut bien montrer l’exemple). En 1796, 1 mariage, 3 sépultures. En 1797, 9 naissances, 5 décès, 5 mariages, en 1798, 18 naissances, 5 décès (mais pas de mariage... )

    Il faudra attendre 1802 pour que les choses se régularisent : 27 naissances, 13 mariages, 10 décès.

    Mais même au creux de la guerre et du drame vendéen, les
    habitants ont conservé une foi intacte. Leur curé en fuite, des curés "fidèles" passent à la POMMERAIE de temps à autre. Ils célèbrent la messe la nuit dans les granges et se sauvent de peur d’être pris, avant que le jour ne se lève. Ils profitent de leur passage pour baptiser, bénir, marier... et tenir un registre...

    Ainsi, en 1794 et 1795, nous trouvons les passages de l’abbé LAROCHE, curé de CHEFFOIS, puis de l’abbé POUPEAU, Prieur de PAYRE-s- VENDEE. Ils tiennent des registres clandestins qui sont ensuite envoyés à l’Armée du Centre, tenue par ROYRAND. Ces registres seront joints plus tard aux cahiers presque vierges de TAFFOIREAU et sont visibles aux Archives Départementales de la Vendée.

    IV - JEAN GODREAU

    Avec les années qui passent, le calme revient comme il revient après un épouvantable cauchemar.

    François GODREAU s’est marié, peut-être en 1790 (pas de traces sur les registres, nous avons vu que ceux-ci sont vierges) avec Rose LEVIN. Il a trois enfants de ce mariage :

    • Jean, né en 1791 (pas de traces de sa naissance, mais il se mariera en 1813 à 22 ans)
    • Joseph, né en 1793. Il meurt le 27 germinal an IX (en 1801) ; Enterré sous le nom de GODRAU
    • Marie-Louise, née en 1796

    Puis, plus tard, nous constatons que François GODREAU, sans doute veuf, est marié à Jeanne PASQUE. Ce nom d’ailleurs variera jusqu’à sa mort : PACQUET, PACQUIER.

    Ils ont ensemble trois enfants :

    • Jean GODREAU (même prénom que son demi-frère). Celui-ci meurt a 19 jours
    • Marie-Jeanne, née en 1813
    • Lucie, née en 1815. Celle-là, on l’avait oubliée. En effet, en 1815, encore plus de registres à la POMMERAIE. C’est qu’au moment du retour de Napoléon de l’Ile d’Elbe (les 100jours), des émeutes ont lieu de nouveau dans l’Ouest. Les nobles organisent un soulèvement. Car ils ont peur que la cause du roi soit menacée par ce retour de Napoléon. Auguste de la ROCHEJACQUELIN revient au galop de PARIS en Anjou et parcourt les environs de CHATILLON et 8RESSUIRE en soulevant les anciens combattants de la Grande-Guerre. Sans doute beaucoup d’habitants des campagnes répondent présent.

    Mais voilà : en 1835, Lucie a 20 ans. Elle veut se marier mais elle n’a pas d’acte de naissance ! Il faudra donc, comme beaucoup d’autres, un acte de notoriété passé devant le Juge de Paix, avec des témoins attestant qu’elle est bien la fille de François GODREAU de Vil-creux et qu’elle a environ 20 ans.

    Jean GODREAU, l’aîné des enfants de François se marie le 21 novembre 1813 à la POMMERAIE, avec Marie BAUDIN, âgée de 22 ans, de ST MESMIN.

    Le même jour, sa petite soeur Marie-Louise (17 ans) se marie avec Marie BAUDIN. Ces BAUDIN étaient bordiers au village de Tutet, à St MESMIN.

    Que deviennent Marie-Louise et René ? Je ne sais. Par contre, Jean GODREAU va vivre avec son beau-père René BAUDIN. Il change donc de commune, passant de la POMMERAIE à St MESMIN. Mais la ferme devait être bien petite, car un peu plus tard nous retrouvons Jean GODREAU, journalier, domestique.

     La nouvelle bourgeoisie

    En effet, si la Révolution a apporté un esprit nouveau, des moeurs nouvelles, des institutions nouvelles (les impôts, la justice, l’administration), elle n’a pas établi l’égalité comme elle le promettait.

    Et dans la région de POUZAUGES comme ailleurs, la déception est grande de voir que les petits bourgeois, ceux qui avaient été l’âme de la Révolution, vont souvent agir comme des profiteurs.

    Les biens de l’Eglise, les biens des nobles exilés, ont été confisqués. A partir de 1810, ces biens sont revendus, parfois pour un prix dérisoire. Qui en profite ? De petits bourgeois "républicains" ceux-là même qui avaient l’âme de la Révolution, qui se constituent de petites fortunes. Ainsi Bertrand au BOUPERE, De la Douepse à POUZAUGES Sébastien Dillon à la FLOCELLIERE, Pierre Caillaud à la CHATAIGNERAIE.

    La Révolution a détruit la féodalité avec ses abus, ses bons côtés. Elle a mis sur les rails la propriété individuelle. Ce n’est pas une réussite.

    En fait de "bourgeois", on trouve à St MESMIN un Louis-Jean-Baptiste GODREAU, né en 1789. Vers 1840, il habite au bourg. Il est porté comme propriétaire, aubergiste, sans profession ! Il est membre du Conseil Municipal, il remplace souvent le maire, et il signe d’une signature de belle allure.

    Il a deux fils :

    • Victorine, célibataire
    • Elie-Félix. Celui-ci est tantôt porté "sans profession" , tantôt "marchand de boeufs". Il épouse une Flavie Julie GABORIT, propriétaire.

    De ce couple naissent deux enfants, l’un mort à 8 mois, l’autre à 2 ans.

    Elie-Félix décède à 33 ans, en 1849..

    Louis-Jean-Baptiste le suit bientôt dans la tombe. Voilà donc une famille GODREAU -peut-être riche celle-là- disparue. L’argent ne fait pas le bonheur !

    Il ne semble pas que cette famille soit parent avec celle de Jean GODREAU.

    Ce dernier aura 3 enfants : Pierre-Jean, né en 1815 : François, né en 1818 ; Marie, née en 1820. Elle meurt à 26 ans, célibataire, servante.

    Après 20 ans de mariage, Jean GODREAU est veuf. Il se remarie le 26 juin 1834, avec Anne-Marie ROBICHON, à POUZAUGES. Lui, a 43 ans, il est domestique au Bas-Baradeau ; elle a 36 ans, elle est domestique à Champorté de POUZAUGES.

    Ils auront un enfant de ce deuxième mariage, Pierre ou Pierre-Marie né en 1838.

    V - François Godreau

    François GODREAU naît donc le 17 mars 1818 à St MESMIN. Son père ne sait pas signer, note Monsieur NAU, maire. Mais il faut observer que cette situation est celle de l’immense majorité des habitants. Très peu d’écoles encore à cette époque. Il faudra attendre la moitié du XIXème siècle pour qu’un mouvement se crée autour de l’enseignement qui amènera à l’institution de l’école obligatoire de Jules FERRY en 1871.

    Celui-là sera comme les autres : journalier, domestique. Nous le retrouvons domestique à la Bédlinière de St MESMIN.

    Et puis le voilà jeune homme. Est-il appelé à faire son service militaire ? Probablement pas, car dans ce temps-là le service dure 7 ans et il se marie à 23 ans. On procède en ce temps au tirage au sort, celui sur qui tombe la malchance part pour un septennat, à moins ... qu’il puisse racheter ce service et faire partir quelqu’un d’autre à sa place. L’historien Augustin HERAULT nous dit que vers 1850, le service se "ra -chetait" pour un peu moins de 2 000 F., et que même des domestiques se saignaient aux quatre veines pour racheter plutôt que de partir.

    François va trouver femme à St MESMIN, en la personne de Perrine MERLET, d’un an son aînée. Ils se marient le 8 septembre 1841 à la mairie de POUZAUGES. Pourquoi POUZAUGES ?

    Nous le retrouvons bientôt à REAUMUR, où naîtront leurs enfants à partir de 1843.

    François est bordier à la Girardière de cette commune. Perrine est tisserand.

    Ils ont donc monté d’un degré dans la hiérarchie sociale.

    Vous aurez la suite (et la fin) l’an prochain dans le n° 11 du Trait d’Union.